Des abeilles pour les mamans de l’Ecole du Bayon

Des abeilles pour les mamans de l’Ecole du Bayon

Lancé en 2021 par l’Unesco et Guerlain, le programme Women for Bees, dont la marraine est Angelina Jolie, a pour but de promouvoir l’apiculture à travers le monde tout en renforçant le rôle des femmes au sein de leur communauté.

Avant d’avoir une dimension sociale, le programme est principalement axé sur la protection et le repeuplement des abeilles, responsables de 90% de la pollinisation des fleurs sauvages à travers le monde. Aujourd’hui menacées par le dérèglement climatique, l’UNESCO prévoit d’installer 2500 ruches dans 25 réserves de biosphère à travers le monde : en France, en Italie, en Bulgarie, en Slovénie, en Russie, en Ethiopie, au Rwanda, en Chine ainsi qu’au Cambodge. En effet, la région du Tonlé Sap constitue une des plus grandes réserves de biosphère actuelles et la majestueuse forêt entourant les temples d’Angkor un lieu propice à leur développement.

L’initiative vise à étudier les bénéfices de la pollinisation tout en mettant les femmes au cœur de l’action. Métier majoritairement masculin, le programme Women for Bees, Des Femmes pour des Abeilles en français, encourage les femmes à être des « conceptrices du changement » en devenant apicultrices. La formation se déroule sur plusieurs semaines et consiste à enseigner à ces femmes les techniques d’une apiculture durable, les encourageant ainsi à apprendre et devenir de vraies expertes dans le domaine, avant de pouvoir étendre leurs connaissances à d’autres.

Au Cambodge, l’enjeu est de protéger les abeilles sauvages du pays, regroupant 4 espèces au total, là où en France qu’une seule espèce existe. Eric Guérin, biologiste français et spécialiste de la conservation des abeilles sauvages d’Asie et de l’apiculture durable, est en charge du programme à Siem Reap et forme 6 femmes au métier d’apicultrice, en travaillant avec l’une des espèces d’abeilles asiatiques qui existe ici, « l’apis cerana ». Sur ces 6 femmes, 4 sont des mamans dont les enfants sont à l’Ecole du Bayon.

 « Au-delà de l’apprentissage de compétences techniques, cette formation est l’opportunité pour elles de s’émanciper, par la prise de conscience qu’elles sont finalement capables de le faire. Toutes, la première fois, et comme souvent au Cambodge parmi les populations les plus défavorisées et notamment les femmes, répondent qu’elles ne sauront pas faire, ou qu’elles n’ont pas les moyens d’apprendre. Et finalement, elles ont été elles-mêmes surprises de leur capacité à se former sur le sujet. » explique Eric, qui travaille avec elles chaque semaine sur le terrain.

Situées dans l’enceinte des temples d’Angkor, ces futures apicultrices sont toutes issues d’un milieu défavorisé, critère de sélection pour faire partie du projet : si l’objectif numéro 1 est de préserver les abeilles, symbole fragile d’une planète abimée par le dérèglement climatique, l’objectif numéro 2, tout aussi important, est de renforcer les compétences des femmes à travers le monde en les incluant dans la préservation d’un environnement durable.

Eric explique qu’au cours des semaines, elles se sont transformées : « les femmes que j’ai aujourd’hui en face de moi ne sont pas les mêmes qu’il y a 4 mois. Elles ont gagné en assurance, s’expriment librement, donnent leur opinion. Leur transformation est remarquable, tout comme leur envie d’apprendre. »

Elles ont, plus que d’autres, un rôle important à jouer, notamment lorsque l’on sait qu’elles sont les premières impactées par le réchauffement climatique à travers le monde (PNUD), et que les conséquences de ces dérèglements entraînent des inégalités indirectement liées aux questions de genre et d’oppressions sociales auxquelles les femmes du monde entier font face aujourd’hui (Nations Unies).

A l’issue de la formation donnée par Eric Guérin, nos apicultrices en herbe travailleront conjointement avec certains guides des temples d’Angkor pour proposer aux touristes une visite de leurs ruches et une séance de sensibilisation à la préservation des abeilles à travers le monde. Cette activité leur permettra également de pouvoir générer un revenu complémentaire à leurs activités quotidiennes, améliorant ainsi leurs conditions de vie actuelles.

« La visite des ruchers par les touristes sera très importante, car cela permettra à ces femmes de voir que ce qu’elles font intéresse des gens du monde entier, qu’elles ont des choses à apporter et que ce qu’elles maîtrisent maintenant, peu de gens savent le faire également. »

Angelina Jolie est notamment venue leur rendre visite récemment, sur leurs terrains, pour les encourager et constater les progrès. C’est une chance inouïe pour elles de s’affirmer et de prendre confiance en elles, au sein de leurs communautés.

C’est également l’occasion pour ces femmes de partager leurs connaissances aux jeunes et moins jeunes de l’Ecole du Bayon qui les entourent et d’aider ainsi les autres à s’élever autour d’elles.

Écrit par Pénélope Hubert, responsable de la communication à l’Ecole du Bayon.

Le projet des farmers du Bayon évolue : Vers la commercialisation de leurs légumes !

Le projet des farmers du Bayon évolue : Vers la commercialisation de leurs légumes !

Lancé en 2018, le projet Potager avait pour objectif de former des mamans de l’école primaire à l’agriculture biologique. Grâce à des bénévoles, volontaires et membres du Bayon, ce sont une dizaine de femmes qui ont (ré)appris à cultiver leur jardin. Aubergines, courges, tomates, piment… Année après année, nos farmers gagnent en compétences et en autonomie. Elles ont vu leur production augmenter et leurs conditions de vie s’améliorer. Depuis le début du projet, le Bayon les aide à commercialiser leur production.

Cette année, afin de leur assurer un revenu supplémentaire et de mettre en avant leurs produits, nous avons lancé la vente de paniers de leurs légumes au Coffee Shop de l’école de pâtisserie du Bayon.

Une monoculture intensive

Selon la Banque mondiale, le secteur agricole du Cambodge contribue à hauteur de 22 % du produit intérieur brut. Le riz représente plus de la moitié des produits agricoles du Cambodge et fait du Cambodge l’un des 10 premiers exportateurs de riz au monde. A contrario, la production de fruits et légumes cambodgiens ne répond qu’à 30 % de la demande locale. Le reste est principalement importé de Thaïlande et du Vietnam.

Avec une population principalement rurale (76,6 % en 2018) et un tiers de ses habitants vivant avec moins d’1 $ par jour, le Cambodge fait face à des problèmes auxquels l’agriculture européenne a déjà été confrontée. La plupart des agriculteurs sont de petits exploitants qui cultivent moins de 2 hectares de terres par foyer.

Afin de répondre à une demande croissante et par manque de connaissance d’autres solutions, la plupart des légumes et fruits sont cultivés de manière intensive et grâce à de nombreux intrants chimiques. L’usage massif de ces pesticides combiné à la monoculture du riz, empêche la régénération des sols et entraîne une baisse des rendements des produits actuels. Le ministre de l’Agriculture, commence peu à peu à prendre en compte les enjeux de l’agriculture intensive au Cambodge, mais des solutions concrètes ne sont pas encore apportées.

La place de la femme en milieu rural

Dans les pays en développement, les femmes jouent un rôle majeur dans la gestion de leur foyer et de leur communauté afin d’apporter une sécurité alimentaire et d’améliorer les conditions de vie en général. Néanmoins, elles sont confrontées à de nombreuses difficultés notamment en matière de droit humain et d’égalité de revenus. Elles ont un accès restreint à l’éducation et très peu d’indépendance, ce qui ne facilite pas leur évolution au sein de la société.

Les femmes en milieu rural représentent près de 43 % de la main-d’œuvre agricole. Malheureusement, ces femmes agricultrices sont considérées comme “des travailleuses familiales non rémunérées ou contributrices”. Elles ont donc une source de revenus bien moindre que celle des hommes ce qui ne leur permet pas d’accroître les rendements de leurs exploitations. Il est donc important de repenser ce système financier pour répondre aux besoins de ces femmes qui contribuent pleinement à la vie de leur foyer et leur permettre de s’émanciper davantage.

La création du projet Potagers à l’École du Bayon

À l’École du Bayon, la transmission des principes de l’agroécologie auprès des familles des enfants scolarisés au sein de notre école primaire, nous a semblé être une solution viable et efficace sur le long terme. C’est pourquoi, depuis février 2018, onze potagers ont été mis en place dans les jardins des familles que nous soutenons.

L’objectif initial de la création de ces potagers était de fournir la cantine d’Élodie (Cantine de l’école primaire accueillant 250 élèves au déjeuner) en légumes cultivés localement et sans pesticides, tout en permettant aux familles de dégager un revenu supplémentaire. Le Bayon a ensuite mis en place des distributions de légumes pour venir en aide aux familles pendant l’épidémie de Covid-19 et a organisé des partenariats avec des supermarchés comme le Farmer Market.

En 2021, 17,6 tonnes de légumes ont été vendues. Cela représente une augmentation de 35 % par rapport à l’année précédente. Cette production de légumes a généré 13 350 $ de revenus provenant principalement de la distribution de légumes mise en place pendant le Covid-19 (70 %), les cantines de l’école primaire et de la pâtisserie (20 %) et le Farmer Market à Siem Reap (10 %).

En août 2022, nous allons mettre fin à l’aide alimentaire, en espérant que la situation économique de nos familles se soit stabilisée. Il est donc nécessaire de trouver d’autres sources de revenus pour nos farmers.

Une solution parmi d’autres : La vente de paniers de légumes

Afin de diversifier les sources de revenus, nous avons donc mis en place le 5 avril 2022, la vente de panier de légumes des farmers au Coffee Shop de l’école.

 

Chaque semaine, le jeudi, nous ouvrons la prise de commande de panier en fonction des quantités produites par les farmers. Aubergines, haricots kilomètre, courgettes, citrouilles, citrons verts, piments, tomates, radis… Chaque semaine la composition des paniers change en fonction de la production. Le mardi nous recevons les légumes commandés au Coffee Shop et nos équipes répartissent les légumes dans les paniers. Les clients ont la possibilité de rajouter le pain frais de la semaine, préparé par notre chef. Ils viennent chercher leur panier au Coffee Shop ou peuvent se faire livrer directement chez eux.

 

La vente des paniers permet de mettre en place une réelle synergie entre les différents projets de notre école. En vendant les paniers, cela assure aussi une source de revenu supplémentaire et une visibilité au Coffee shop et permet donc de financer une partie de la formation en pâtisserie de nos étudiantes.

 

Les premières commandes ont été un réel succès. Les clients en redemandent et sont heureux de participer à notre projet, tout en achetant des produits bons pour leur santé. C’est une première phase vers un déploiement des ventes des légumes biologiques des farmers dans les supermarchés et restaurants de Siem Reap.

 

Alors n’attendez plus, réservez votre panier de légumes et parlez-en autour de vous !

 

Écrit par Morgane Boudoul, chargée de communication à l’Ecole du Bayon.

Parrainer l’Ecole du Bayon – Pourquoi ?

Parrainer l’Ecole du Bayon – Pourquoi ?

C’est en 1993 que l’école du Bayon a accueilli ses premiers élèves à l’école primaire. Pendant bientôt 20 ans d’existence, notre association s’est agrandie et diversifiée. Programme d’accompagnement des étudiants dans le secondaire, école de pâtisserie et de boulangerie, formation en agroécologie, développement d’activités rémunératrices pour les familles des élèves… Tout ça a pu prendre vie grâce au soutien précieux d’un groupe de personnes : nos parrains, marraines et sponsors.

Ils/elles n’étaient au commencement qu’ une petite vingtaine et ils forment désormais une communauté de plus de 450 personnes. L’école du Bayon, c’est une grande famille, dans laquelle chaque personne joue un rôle : des volontaires, à Thorth, notre directeur exécutif, jusqu’aux donateurs ponctuels. Les parrains et marraines jouent un rôle central dans ce magnifique tableau car au délà de donner vie à nos projets, ils les soutiennent sur le long terme. Comptables, artistes, professeurs des écoles, de Paris aux petits villages du Vaucluse en passant par Londres ou Singapour, autant de profils différents qui constituent la première force de nos projets. 

Notre gratitude est immense et remercier ces hommes et ces femmes est une priorité pour nous. Nos échanges réguliers avec eux nous permettent de maintenir des liens forts au fur et à mesure des années. Une présentation actualisée de nos projets 1 mois sur 2, une newsletter qui traite les sujets de fonds chaque trimestre, un lien direct avec les actualités du terrain sur les réseaux sociaux et par échange direct avec notre responsable de communication… nous mettons tout en œuvre pour les placer au cœur de nos projets. Authenticité et sincérité sont les maîtres mots de cette relation qui nous permet de fournir une éducation de qualité aux enfants vivants dans l’enceinte des temples d’Angkor.

En parrainant l’Ecole du Bayon, ils/elles ont décidé de soutenir une éducation de qualité, entièrement gratuite pour plus de 450 jeunes, qui prend en charge tous les besoins fondamentaux liés au bon développement des enfants/étudiants. Si une éducation de qualité est essentielle pour avancer dans la vie, il est au moins tout aussi important de favoriser le développement personnel aux travers d’activités ludiques, culturelles et sportives.  C’est pourquoi nous avons intégré diverses activités au sein même du cursus scolaire, de la pratique d’une activité physique à l’éveil culturel et artistique.

Vous aussi, prenez place dans cette magnifique toile de liens humains (participation à partir de 13€ par mois). Toutes les informations sur le parrainage et autres modes de soutien sur notre site  : https://ecoledubayon.opte.io/nous-soutenir/

Saison des pluies, agroécologie et changement climatique : les enjeux de la double saisonnalité au Cambodge

Saison des pluies, agroécologie et changement climatique : les enjeux de la double saisonnalité au Cambodge

Marie Hooker, stagiaire du programme d’agroécologie est arrivée à Siem Reap fin août, au beau milieu de la saison des pluies. Elle nous explique ici les constats et enjeux qu’elle a remarqué lors de cette période si importante au Cambodge. 

Au Cambodge, le climat est tropical humide. Au cours de l’année, une saison sèche s’alterne avec une saison des pluies, durant laquelle tombent 80% des précipitations. Nous sortons tout juste de cette saison des pluies, qui s’étend de mai à novembre, et qui est d’une importance cruciale pour la production agricole.

Les agriculteurs cambodgiens sont habitués à vivre avec cette double saisonnalité, et ont développé des systèmes agricoles adaptés. Le riz, par exemple, est cultivé toute l’année selon des cycles de cultures de six mois, et les dates de semis et de récolte s’accordent avec les débuts de saison sèche et de saison des pluies. Ainsi la récolte s’effectue au bon taux d’humidité, permettant ensuite le stockage du riz pour les six prochains mois.

Pour les farmers que nous suivons, la saison des pluies est une période assez difficile. En effet, pour la production de légumes, le taux d’humidité devient trop important et les pluies battantes provoquent des dégâts sur les sols et les cultures. Elles connaissent donc une baisse de production au cours de cette période, d’autant plus cette année où l’effet a été amplifié par la crise sanitaire. Il est beaucoup plus facile de contrôler le système de culture en saison sèche, où moyennant un apport d’eau suffisant les légumes poussent sans difficulté.

J’ai pu observer directement sur les fermes de nos farmers les conséquences de la saison des pluies. La première, et la plus évidente, est l’inondation des jardins. Elles ont pour la plupart une partie de leur jardin qui est inondée pendant les deux derniers mois de la saison des pluies, entre septembre et novembre. C’est le cas chaque année et elles y sont préparées, mais elles ne disposent donc que d’une surface réduite pour cultiver sur cette période.

Autre conséquence directe, le taux d’humidité et les pluies récurrentes sont particulièrement propices au développement de maladies et de ravageurs sur les cultures. Il est fréquent que toute une culture meurt subitement des suites de l’attaque d’un champignon ou d’un insecte. Sans pesticides, il est très difficile de contrer ces attaques lorsqu’elles surviennent car nous ne disposons que de techniques préventives dont l’efficacité dépend de l’intégralité de la conduite agroécologique du jardin.

Les pluies diluviennes provoquent également des dégâts importants sur les sols. Un sol nu risque la formation d’une croûte de battance, c’est-à-dire un tassement en surface rendant la germination des graines difficile. Il risque également d’être érodé ou encore de perdre ses nutriments, entraînés par la pluie. Les semis sont particulièrement difficiles en cette période, à cause d’une part des croûtes de battance et d’autre part de la fragilité des jeunes plantules, qui ne résistent pas à la violence des pluies.

Face à toutes ces problématiques, nos agricultrices sont contraintes d’adapter leurs pratiques.

Elles effectuent leur semis sous des abris, elles sont plus attentives à l’émergence de maladies et sont plus prudentes quant aux types de légumes qu’elles souhaitent cultiver. Elles réagissent en se tournant vers des cultures plus faciles, qu’elles maîtrisent bien et qui sont moins sensibles aux développement de bactéries car l’erreur serait de continuer de produire des cultures sensibles et donc d’instaurer définitivement la maladie ou le ravageur dans le jardin.

L’agroécologie consiste à faire fonctionner le système agricole en accord avec les processus naturels, formant un tout. Ses principes offrent donc des solutions permettant de produire non pas malgré, mais avec la saison des pluies. Pour éviter l’érosion des sols, on va chercher à maintenir une couverture permanente du sol, avec par exemple des engrais verts. Ainsi on promeut la vie du sol, on améliore sa structure et on y apporte des nutriments qui seront utiles à la culture suivante. Pour éviter la prolifération des maladies, on cultive donc des variétés de plantes adaptées et diversifiées, qui augmentent ainsi la biodiversité de l’agroécosystème et améliorent nécessairement son fonctionnement en tant qu’écosystème. En permettant au jardin de fonctionner selon ces processus naturels, la saison des pluies n’est plus une contrainte mais un atout : c’est le moment de semer les engrais verts qui autrement auraient pris la place d’une culture, de collecter des jacinthes d’eau pour faire un compost, ou encore de diversifier son système de culture en cultivant des légumes adaptés.

Ces techniques peuvent sembler moins productives sur le moment, et il est parfois difficile pour nos farmers de les appliquer sachant qu’elles n’en tireront pas un revenu direct.

Cependant la création d’un agro écosystème fonctionnel leur permettra d’obtenir une production stable sur le moyen-long terme. Plus elles mettront en place des techniques permettant de préserver leurs sols et de favoriser la biodiversité, plus il leur sera facile de cultiver pendant la saison des pluies, et plus leurs jardins seront résilients face aux variabilités climatiques de plus en plus marquées.

Les problématiques évoquées ici ne sont d’ailleurs pas propres à la saison des pluies. L’érosion des sols, l’apparition de maladies et de ravageurs des cultures, la perte de biodiversité cultivée sont des problématiques globales, qui touchent l’ensemble des systèmes agricoles, et qui sont ici particulièrement révélées par la saison des pluies. L’alternance saison sèche/saison humide rend le Cambodge particulièrement vulnérable au changement climatique car cela signifiera plus de sécheresse en saison sèche et plus d’événements extrêmes en saison des pluies. Celle-ci est de plus en plus variable, augmentant l’incertitude pour les agriculteurs quant à ce qu’ils seront capables de produire.

Il est donc primordial de promouvoir des systèmes agricoles qui puissent faire face à ces enjeux, qui soient adaptés à la double saisonnalité mais qui soient également résilients face aux variabilités à venir. Pour être durables, ces systèmes se doivent d’être agroécologiques, c’est-à-dire de reposer sur des processus naturels et une observation attentive de l’environnement, et cela aux antipodes des modèles d’agribusiness occidentaux.

Quatre leçons à retenir de cette année exceptionnelle

Quatre leçons à retenir de cette année exceptionnelle

Thorth, Vantha, Rithy, Sakoth et Soky reviennent avec leurs mots sur ces deux dernières années et sur les enseignements qu’ils en ont tirés. Quels outils allons-nous garder par la suite ? Qu’avons nous appris ?

Résilience, solidarité et adaptabilité : autant de termes qui ont su guider leur travail et devenir le moteur de leur engagement.

Leçon #1 : apprendre à anticiper pour mieux appréhender

Si vous demandez à Thorth, directeur adjoint et exécutif de l’Ecole du Bayon au Cambodge, ce qu’il retient de l’année passée, ses premiers mots sont “imprévisible” et “stressant”. En effet, son objectif principal durant ces derniers mois a été de “s’assurer que nous serions capable de maintenir l’éducation de tous nos élèves à un niveau stable : nous avons dû considérer quelles étaient les actions essentielles sur lesquelles nous devions nous mobiliser et quelles sont celles que nous pouvions ralentir, pour être certains de répondre à cet objectif malgré la situation”. 

Il explique qu’il a fallu se concerter, débattre et prendre des décisions pour répondre à l’urgence, sans pour autant savoir comment la crise évoluerait : “cela m’a appris à davantage analyser et me questionner sur les enjeux futurs pour anticiper du mieux possible ce type de situations, bien qu’elles soient exceptionnelles”.

“Nous avons appris comment nous adapter rapidement et nous avons pu trouver une solution à chaque problème grâce à l’engagement de toute l’équipe. L’enjeu a été d’avancer jour après jour, et de penser nos actions à court-terme pour s’assurer une efficacité optimale.”

Thorth, directeur adjoint et exécutif.

Leçon #2 : mieux communiquer pour prendre conscience des besoins de chacun

La mise en place de cours en ligne au sein de nos formations et l’obligation de se déplacer dans les villages auprès de nos élèves de l’école primaire nous ont permis de nous rendre compte qu’il était essentiel d’être à l’écoute de chacun.
Nous avons pris conscience des besoins de chacun car nous étions avec eux quotidiennement, dans leurs villages et leur environnement. Nous avons pu discuter avec les parents, notamment ceux dont les enfants sont les plus en difficultés. Aujourd’hui, cela nous permet de retrouver les élèves à l’école en sachant quels sont ceux que nous devons suivre de manière plus rapprochée, et ce même si nous retrouvons un fonctionnement normal.”
Vantha, directeur de l'école primaire.

En ayant développé l’enseignement en ligne, via Zoom, Youtube et Telegram, nos étudiantes de l’école de pâtisserie ont pu utiliser ces différents canaux de communication pour être en contact permanent avec nos équipes et leurs camarades. Sokly, notre professeure de pâtisserie et Rithy, nouveau directeur de l’école de pâtisserie, n’ont donc jamais été déconnectés de la réalité de chacune, bien au contraire.

Chaque plateforme avait son utilité. Zoom a été le moyen de discuter ensemble des questions en lien avec les cours mais également l’espace où les étudiantes pouvaient échanger entre elles et s’entendre de vive voix. Youtube a permis aux élèves de réviser à leurs rythmes et de préparer leurs questions pour nos rencontres en ligne. Enfin, Telegram a été notre outil principal pour discuter de ce qui est moins formel, mais d’autant plus important en cette période : comment se sentent-elles, leurs émotions face à la crise et comment pouvons nous les aider. Cela nous a permis de garder le lien avec elles et de leur montrer que nous étions à leur écoute.

Rithy, directeur de l'école de pâtisserie.

Leçon #3 : privilégier le circuit court et local

Lorsque la ville de Siem Reap s’est fermée et que toutes les activités ont été suspendues, l’équipe du Projet Potagers s’est retrouvée face à un dilemme de taille : comment écouler les productions de légumes de nos farmers et éviter les pertes ? 

La plupart des farmers ne pouvaient plus se déplacer entre les villages tandis que les quantités de légumes ne cessaient de s’accroître. Elles n’avaient donc aucun moyen de vendre leurs légumes, et il a fallu trouver des solutions. Nous avons donc travaillé avec l’équipe sociale et celle du follow up pour distribuer ces légumes à nos familles. Nous avons décidé de racheter leurs légumes pour les redistribuer par la suite. Ainsi, elles étaient assurées d’avoir un revenu pour prendre soin de leurs familles, et nous assurions à nos bénéficiaires d’avoir de quoi se nourrir malgré la perte de leurs emplois.” nous présente Sakoth, manager du projet potager et de l’école d’agroécologie. Ce projet a renforcé le travail de nos farmers et leur a fait prendre conscience du rôle qu’elles jouent dans la chaîne d’entraide du Bayon. Elles sont de plus en plus motivées à apprendre et à s’investir davantage pour que cela profite à tous.” 

D’un point de vue plus global, l’arrêt du tourisme a eu un impact considérable sur nos activités et principalement celle du Coffee Shop. Pour Thorth, cela a été l’occasion de prendre conscience qu’il fallait repenser notre travail auprès de la population locale, pour ne pas se retrouver dépendants des touristes. “La fermeture du Coffee Shop n’a pas été facile à gérer puisque ce sont ces revenus qui financent notre formation en pâtisserie. Il a fallu trouver de nouvelles solutions. Aujourd’hui, nous avons pris conscience de la nécessité de développer des produits locaux pour que nous puissions avoir une clientèle locale et accroître notre visibilité à Siem Reap.

Sreyleak, gérante du Coffee Shop.

Leçon #4 : mieux travailler en équipe pour plus d’efficacité

L’équipe sociale, en relation permanente avec nos étudiants et leurs familles, est au cœur de nos actions depuis de nombreux mois. Leur travail a été essentiel pour effectuer un suivi de nos familles et répondre efficacement à l’urgence. Soky, responsable de l’équipe sociale, se dit aujourd’hui fière du travail accompli par ses collègues.

Nous avons dû travailler main dans la main et cela n’a pas été toujours facile. Il a fallu penser nos actions en tant qu’équipe, pour se diviser les tâches. Nous nous sommes rendus compte de ce que nous devions faire et préparer pour être plus efficace sur le terrain. Je suis vraiment fière de notre travail ; nous avons été très occupés et il a fallu travailler dur mais nous n’avons jamais cessé d’agir en pensant aux familles et aux enfants.”

Soky, responsable sociale.

Au-delà de l’équipe de l’Ecole du Bayon, il a également fallu travailler avec les autorités locales, puisqu’il était difficile de se déplacer. “Nous avons travaillé conjointement avec les chefs des villages et des communes. Ils ont souvent fait le relai entre nos bénéficiaires et nos équipes, ce qui nous permettait de garder un lien, même lorsque nous ne pouvions circuler entre les zones.” explique Thorth.

Nous retenons de cette période la puissance d’un travail en équipe : nous pouvons nous aider les uns des autres pour ainsi aider ceux qui sont le plus dans le besoin. Grâce à tous ces enseignements, l’équipe est aujourd’hui d’autant plus soudée. 

Prendre conscience de son rôle

Prendre conscience de son rôle

 Cela va faire 4 mois que j’ai atterris au Cambodge, et je n’ai rien vu passer. Depuis ma sortie de quarantaine, cela a été un tourbillon de découvertes et j’ai parfois l’impression d’être arrivée seulement hier tant le temps passe vite. 

On m’avait prévenu que Siem Reap était sans dessus-dessous et que le passage du Covid avait eu un impact considérable sur la ville, en plus des travaux de rénovation de toutes les routes. Et en effet, la première impression est, comment dire, poussiéreuse ? 

De plus, la fermeture de 80% des hôtels, restaurants et bars donnaient à la ville, à cette période, des allures de ville fantôme. Si le choc a été un peu brutal, j’avais cependant eu le temps de l’anticiper et je m’y étais préparée, ce qui a sûrement rendu mon arrivée plus douce que ce qu’elle aurait pu être.

Passées les premières impressions, j’ai surtout (et enfin!) pu rencontrer toute l’équipe de l’Ecole du Bayon et découvrir à quoi ressemble l’école, le travail de chacun et ce pour quoi nous sommes engagés. Et quel bonheur ! J’ai découvert leurs visages et j’ai enfin pu mettre des sourires sur leurs prénoms

J’ai pu me rendre à l’école d’agroécologie, à l’école de pâtisserie puisque nos bureaux y sont, et à l’école primaire, lieu particulier puisqu’elle se trouve dans l’enceinte des temples, à l’abri du soleil et du bruit de la ville. Si toutes les écoles étaient encore fermées, la découverte de ces lieux m’a tout de même permis de mieux comprendre notre fonctionnement et notre organisation.

Je me suis également rendue auprès des farmers pour découvrir leurs potagers, et j’ai été impressionnée par le travail de ces femmes qui travaillent la terre. Souvent seules, leur production permet de nourrir nos familles bénéficiaires. Il y a tant à raconter sur elles, et les quelques photos que j’ai pu réaliser parlent souvent d’elles-mêmes. 

Je me rappelle qu’après cette première visite, Sakoth, le manager du programme d’agroécologie, m’a ramenée en ville sur sa moto et n’ayant aucune idée du chemin par lequel nous rentrions, je me suis laissée guider. Quelle surprise quand je me suis rendue compte que nous étions sur la route des temples et que j’ai vu se dresser devant moi ces magnifiques pierres, et l’impressionnant temple d’Angkor Wat, si majestueux lorsque nous l’apercevons pour la première fois !

J’ai été scotchée par ce spectacle qui m’a fait réaliser la chance que j’ai d’être ici, en pleine pandémie.

Aujourd’hui, 4 mois après, j’ai eu le temps de trouver mon rythme et je connais Siem Reap (presque) comme ma poche. La situation sanitaire s’est nettement améliorée depuis septembre et nous n’avons plus aucune restriction, ce qui permet d’apprécier la ville différemment. Les routes sont bientôt terminées, on aperçoit quelques touristes revenir et cela nous laisse penser que l’on s’en va vers du mieux – même si la situation en Europe en alarme plus d’un.

Les écoles sont rouvertes depuis fin novembre, pour le plus grand bonheur de l’équipe, mais aussi des élèves. Voir l’école primaire se remplir de toutes ces petites têtes dès le matin rend le travail encore plus enrichissant qu’il ne l’est déjà.

Ma mission a pris toute sa dimension en étant ici. Je sais pourquoi et pour qui je m’investis, je vois les résultats de nos actions et j’observe les progrès que nous faisons. J’ai échangé avec l’équipe, j’ai écouté leurs parcours de vie et leurs réflexions et je prends conscience du rôle que nous avons, en tant que volontaires sur le terrain. 

Je me questionne sur ce que nous avons et devons leur apporter, comment être un soutien, à leurs côtés, tout en les laissant guider les projets car eux, plus que quiconque, connaissent les enjeux de leur pays. Les conséquences de leur histoire et les situations dans lesquelles sont les populations les plus vulnérables. Je crois qu’il est important lorsque l’on se rend sur un terrain, d’être conscient de ces différents enjeux et de savoir mettre un pied en arrière lorsque la réflexion est trop éloignée de notre réalité, et de ce que nous pensons connaître du pays dans lequel nous partons. 

Je crois qu’il faut être conscient que, si pour la plupart nous ne sommes que de passage, pour ceux qui vivent ici et travaillent à l’Ecole du Bayon, cet engagement est celui de toute une vie.

Je vois mon rôle comme celui d’une petite main dans l’ombre, permettant de mettre en lumière celui de l’équipe ici. J’aime partager mes connaissances et leur donner les outils pour qu’ils puissent le faire eux-mêmes, échanger avec eux et me questionner sur la manière dont nous articulons notre travail pour être certain(e)s qu’il porte ses fruits. 

J’aime l’idée que nous sommes là pour semer ce que nous connaissons et orienter le travail vers des décisions justes et durables. Durable socialement, écologiquement et économiquement. Ne pas reproduire les mêmes schémas que ceux que nous connaissons tous, offrir à ces enfants un avenir meilleur et leur apporter les clés pour comprendre le monde et dessiner le leur

J’espère développer ces idées auprès de l’Ecole du Bayon le temps que je serais ici, à leurs côtés. J’espère vous montrer quelle est l’histoire derrière tout ce travail, quelles sont les questions, les réponses que nous trouvons. J’espère retranscrire dans mes écrits et les contenus que je vous partage, cette dynamique que nous souhaitons instaurer. Me questionner et vous questionner à votre tour sur les difficultés rencontrées ici, qui, bien qu’elles soient physiquement éloignées de vous, sont bien souvent l’écho de ce que nous connaissons chez nous. 

J’espère vous témoigner la volonté et l’engagement de nos membres, celle d’une équipe locale qui ne perd jamais de vue son objectif : offrir aux jeunes de la région d’Angkor une éducation de qualité pour leur assurer un meilleur avenir.