Saison des pluies, agroécologie et changement climatique : les enjeux de la double saisonnalité au Cambodge

Saison des pluies, agroécologie et changement climatique : les enjeux de la double saisonnalité au Cambodge

Marie Hooker, stagiaire du programme d’agroécologie est arrivée à Siem Reap fin août, au beau milieu de la saison des pluies. Elle nous explique ici les constats et enjeux qu’elle a remarqué lors de cette période si importante au Cambodge. 

Au Cambodge, le climat est tropical humide. Au cours de l’année, une saison sèche s’alterne avec une saison des pluies, durant laquelle tombent 80% des précipitations. Nous sortons tout juste de cette saison des pluies, qui s’étend de mai à novembre, et qui est d’une importance cruciale pour la production agricole.

Les agriculteurs cambodgiens sont habitués à vivre avec cette double saisonnalité, et ont développé des systèmes agricoles adaptés. Le riz, par exemple, est cultivé toute l’année selon des cycles de cultures de six mois, et les dates de semis et de récolte s’accordent avec les débuts de saison sèche et de saison des pluies. Ainsi la récolte s’effectue au bon taux d’humidité, permettant ensuite le stockage du riz pour les six prochains mois.

Pour les farmers que nous suivons, la saison des pluies est une période assez difficile. En effet, pour la production de légumes, le taux d’humidité devient trop important et les pluies battantes provoquent des dégâts sur les sols et les cultures. Elles connaissent donc une baisse de production au cours de cette période, d’autant plus cette année où l’effet a été amplifié par la crise sanitaire. Il est beaucoup plus facile de contrôler le système de culture en saison sèche, où moyennant un apport d’eau suffisant les légumes poussent sans difficulté.

J’ai pu observer directement sur les fermes de nos farmers les conséquences de la saison des pluies. La première, et la plus évidente, est l’inondation des jardins. Elles ont pour la plupart une partie de leur jardin qui est inondée pendant les deux derniers mois de la saison des pluies, entre septembre et novembre. C’est le cas chaque année et elles y sont préparées, mais elles ne disposent donc que d’une surface réduite pour cultiver sur cette période.

Autre conséquence directe, le taux d’humidité et les pluies récurrentes sont particulièrement propices au développement de maladies et de ravageurs sur les cultures. Il est fréquent que toute une culture meurt subitement des suites de l’attaque d’un champignon ou d’un insecte. Sans pesticides, il est très difficile de contrer ces attaques lorsqu’elles surviennent car nous ne disposons que de techniques préventives dont l’efficacité dépend de l’intégralité de la conduite agroécologique du jardin.

Les pluies diluviennes provoquent également des dégâts importants sur les sols. Un sol nu risque la formation d’une croûte de battance, c’est-à-dire un tassement en surface rendant la germination des graines difficile. Il risque également d’être érodé ou encore de perdre ses nutriments, entraînés par la pluie. Les semis sont particulièrement difficiles en cette période, à cause d’une part des croûtes de battance et d’autre part de la fragilité des jeunes plantules, qui ne résistent pas à la violence des pluies.

Face à toutes ces problématiques, nos agricultrices sont contraintes d’adapter leurs pratiques.

Elles effectuent leur semis sous des abris, elles sont plus attentives à l’émergence de maladies et sont plus prudentes quant aux types de légumes qu’elles souhaitent cultiver. Elles réagissent en se tournant vers des cultures plus faciles, qu’elles maîtrisent bien et qui sont moins sensibles aux développement de bactéries car l’erreur serait de continuer de produire des cultures sensibles et donc d’instaurer définitivement la maladie ou le ravageur dans le jardin.

L’agroécologie consiste à faire fonctionner le système agricole en accord avec les processus naturels, formant un tout. Ses principes offrent donc des solutions permettant de produire non pas malgré, mais avec la saison des pluies. Pour éviter l’érosion des sols, on va chercher à maintenir une couverture permanente du sol, avec par exemple des engrais verts. Ainsi on promeut la vie du sol, on améliore sa structure et on y apporte des nutriments qui seront utiles à la culture suivante. Pour éviter la prolifération des maladies, on cultive donc des variétés de plantes adaptées et diversifiées, qui augmentent ainsi la biodiversité de l’agroécosystème et améliorent nécessairement son fonctionnement en tant qu’écosystème. En permettant au jardin de fonctionner selon ces processus naturels, la saison des pluies n’est plus une contrainte mais un atout : c’est le moment de semer les engrais verts qui autrement auraient pris la place d’une culture, de collecter des jacinthes d’eau pour faire un compost, ou encore de diversifier son système de culture en cultivant des légumes adaptés.

Ces techniques peuvent sembler moins productives sur le moment, et il est parfois difficile pour nos farmers de les appliquer sachant qu’elles n’en tireront pas un revenu direct.

Cependant la création d’un agro écosystème fonctionnel leur permettra d’obtenir une production stable sur le moyen-long terme. Plus elles mettront en place des techniques permettant de préserver leurs sols et de favoriser la biodiversité, plus il leur sera facile de cultiver pendant la saison des pluies, et plus leurs jardins seront résilients face aux variabilités climatiques de plus en plus marquées.

Les problématiques évoquées ici ne sont d’ailleurs pas propres à la saison des pluies. L’érosion des sols, l’apparition de maladies et de ravageurs des cultures, la perte de biodiversité cultivée sont des problématiques globales, qui touchent l’ensemble des systèmes agricoles, et qui sont ici particulièrement révélées par la saison des pluies. L’alternance saison sèche/saison humide rend le Cambodge particulièrement vulnérable au changement climatique car cela signifiera plus de sécheresse en saison sèche et plus d’événements extrêmes en saison des pluies. Celle-ci est de plus en plus variable, augmentant l’incertitude pour les agriculteurs quant à ce qu’ils seront capables de produire.

Il est donc primordial de promouvoir des systèmes agricoles qui puissent faire face à ces enjeux, qui soient adaptés à la double saisonnalité mais qui soient également résilients face aux variabilités à venir. Pour être durables, ces systèmes se doivent d’être agroécologiques, c’est-à-dire de reposer sur des processus naturels et une observation attentive de l’environnement, et cela aux antipodes des modèles d’agribusiness occidentaux.

Quatre leçons à retenir de cette année exceptionnelle

Quatre leçons à retenir de cette année exceptionnelle

Thorth, Vantha, Rithy, Sakoth et Soky reviennent avec leurs mots sur ces deux dernières années et sur les enseignements qu’ils en ont tirés. Quels outils allons-nous garder par la suite ? Qu’avons nous appris ?

Résilience, solidarité et adaptabilité : autant de termes qui ont su guider leur travail et devenir le moteur de leur engagement.

Leçon #1 : apprendre à anticiper pour mieux appréhender

Si vous demandez à Thorth, directeur adjoint et exécutif de l’Ecole du Bayon au Cambodge, ce qu’il retient de l’année passée, ses premiers mots sont “imprévisible” et “stressant”. En effet, son objectif principal durant ces derniers mois a été de “s’assurer que nous serions capable de maintenir l’éducation de tous nos élèves à un niveau stable : nous avons dû considérer quelles étaient les actions essentielles sur lesquelles nous devions nous mobiliser et quelles sont celles que nous pouvions ralentir, pour être certains de répondre à cet objectif malgré la situation”. 

Il explique qu’il a fallu se concerter, débattre et prendre des décisions pour répondre à l’urgence, sans pour autant savoir comment la crise évoluerait : “cela m’a appris à davantage analyser et me questionner sur les enjeux futurs pour anticiper du mieux possible ce type de situations, bien qu’elles soient exceptionnelles”.

“Nous avons appris comment nous adapter rapidement et nous avons pu trouver une solution à chaque problème grâce à l’engagement de toute l’équipe. L’enjeu a été d’avancer jour après jour, et de penser nos actions à court-terme pour s’assurer une efficacité optimale.”

Thorth, directeur adjoint et exécutif.

Leçon #2 : mieux communiquer pour prendre conscience des besoins de chacun

La mise en place de cours en ligne au sein de nos formations et l’obligation de se déplacer dans les villages auprès de nos élèves de l’école primaire nous ont permis de nous rendre compte qu’il était essentiel d’être à l’écoute de chacun.
Nous avons pris conscience des besoins de chacun car nous étions avec eux quotidiennement, dans leurs villages et leur environnement. Nous avons pu discuter avec les parents, notamment ceux dont les enfants sont les plus en difficultés. Aujourd’hui, cela nous permet de retrouver les élèves à l’école en sachant quels sont ceux que nous devons suivre de manière plus rapprochée, et ce même si nous retrouvons un fonctionnement normal.”
Vantha, directeur de l'école primaire.

En ayant développé l’enseignement en ligne, via Zoom, Youtube et Telegram, nos étudiantes de l’école de pâtisserie ont pu utiliser ces différents canaux de communication pour être en contact permanent avec nos équipes et leurs camarades. Sokly, notre professeure de pâtisserie et Rithy, nouveau directeur de l’école de pâtisserie, n’ont donc jamais été déconnectés de la réalité de chacune, bien au contraire.

Chaque plateforme avait son utilité. Zoom a été le moyen de discuter ensemble des questions en lien avec les cours mais également l’espace où les étudiantes pouvaient échanger entre elles et s’entendre de vive voix. Youtube a permis aux élèves de réviser à leurs rythmes et de préparer leurs questions pour nos rencontres en ligne. Enfin, Telegram a été notre outil principal pour discuter de ce qui est moins formel, mais d’autant plus important en cette période : comment se sentent-elles, leurs émotions face à la crise et comment pouvons nous les aider. Cela nous a permis de garder le lien avec elles et de leur montrer que nous étions à leur écoute.

Rithy, directeur de l'école de pâtisserie.

Leçon #3 : privilégier le circuit court et local

Lorsque la ville de Siem Reap s’est fermée et que toutes les activités ont été suspendues, l’équipe du Projet Potagers s’est retrouvée face à un dilemme de taille : comment écouler les productions de légumes de nos farmers et éviter les pertes ? 

La plupart des farmers ne pouvaient plus se déplacer entre les villages tandis que les quantités de légumes ne cessaient de s’accroître. Elles n’avaient donc aucun moyen de vendre leurs légumes, et il a fallu trouver des solutions. Nous avons donc travaillé avec l’équipe sociale et celle du follow up pour distribuer ces légumes à nos familles. Nous avons décidé de racheter leurs légumes pour les redistribuer par la suite. Ainsi, elles étaient assurées d’avoir un revenu pour prendre soin de leurs familles, et nous assurions à nos bénéficiaires d’avoir de quoi se nourrir malgré la perte de leurs emplois.” nous présente Sakoth, manager du projet potager et de l’école d’agroécologie. Ce projet a renforcé le travail de nos farmers et leur a fait prendre conscience du rôle qu’elles jouent dans la chaîne d’entraide du Bayon. Elles sont de plus en plus motivées à apprendre et à s’investir davantage pour que cela profite à tous.” 

D’un point de vue plus global, l’arrêt du tourisme a eu un impact considérable sur nos activités et principalement celle du Coffee Shop. Pour Thorth, cela a été l’occasion de prendre conscience qu’il fallait repenser notre travail auprès de la population locale, pour ne pas se retrouver dépendants des touristes. “La fermeture du Coffee Shop n’a pas été facile à gérer puisque ce sont ces revenus qui financent notre formation en pâtisserie. Il a fallu trouver de nouvelles solutions. Aujourd’hui, nous avons pris conscience de la nécessité de développer des produits locaux pour que nous puissions avoir une clientèle locale et accroître notre visibilité à Siem Reap.

Sreyleak, gérante du Coffee Shop.

Leçon #4 : mieux travailler en équipe pour plus d’efficacité

L’équipe sociale, en relation permanente avec nos étudiants et leurs familles, est au cœur de nos actions depuis de nombreux mois. Leur travail a été essentiel pour effectuer un suivi de nos familles et répondre efficacement à l’urgence. Soky, responsable de l’équipe sociale, se dit aujourd’hui fière du travail accompli par ses collègues.

Nous avons dû travailler main dans la main et cela n’a pas été toujours facile. Il a fallu penser nos actions en tant qu’équipe, pour se diviser les tâches. Nous nous sommes rendus compte de ce que nous devions faire et préparer pour être plus efficace sur le terrain. Je suis vraiment fière de notre travail ; nous avons été très occupés et il a fallu travailler dur mais nous n’avons jamais cessé d’agir en pensant aux familles et aux enfants.”

Soky, responsable sociale.

Au-delà de l’équipe de l’Ecole du Bayon, il a également fallu travailler avec les autorités locales, puisqu’il était difficile de se déplacer. “Nous avons travaillé conjointement avec les chefs des villages et des communes. Ils ont souvent fait le relai entre nos bénéficiaires et nos équipes, ce qui nous permettait de garder un lien, même lorsque nous ne pouvions circuler entre les zones.” explique Thorth.

Nous retenons de cette période la puissance d’un travail en équipe : nous pouvons nous aider les uns des autres pour ainsi aider ceux qui sont le plus dans le besoin. Grâce à tous ces enseignements, l’équipe est aujourd’hui d’autant plus soudée. 

Prendre conscience de son rôle

Prendre conscience de son rôle

 Cela va faire 4 mois que j’ai atterris au Cambodge, et je n’ai rien vu passer. Depuis ma sortie de quarantaine, cela a été un tourbillon de découvertes et j’ai parfois l’impression d’être arrivée seulement hier tant le temps passe vite. 

On m’avait prévenu que Siem Reap était sans dessus-dessous et que le passage du Covid avait eu un impact considérable sur la ville, en plus des travaux de rénovation de toutes les routes. Et en effet, la première impression est, comment dire, poussiéreuse ? 

De plus, la fermeture de 80% des hôtels, restaurants et bars donnaient à la ville, à cette période, des allures de ville fantôme. Si le choc a été un peu brutal, j’avais cependant eu le temps de l’anticiper et je m’y étais préparée, ce qui a sûrement rendu mon arrivée plus douce que ce qu’elle aurait pu être.

Passées les premières impressions, j’ai surtout (et enfin!) pu rencontrer toute l’équipe de l’Ecole du Bayon et découvrir à quoi ressemble l’école, le travail de chacun et ce pour quoi nous sommes engagés. Et quel bonheur ! J’ai découvert leurs visages et j’ai enfin pu mettre des sourires sur leurs prénoms

J’ai pu me rendre à l’école d’agroécologie, à l’école de pâtisserie puisque nos bureaux y sont, et à l’école primaire, lieu particulier puisqu’elle se trouve dans l’enceinte des temples, à l’abri du soleil et du bruit de la ville. Si toutes les écoles étaient encore fermées, la découverte de ces lieux m’a tout de même permis de mieux comprendre notre fonctionnement et notre organisation.

Je me suis également rendue auprès des farmers pour découvrir leurs potagers, et j’ai été impressionnée par le travail de ces femmes qui travaillent la terre. Souvent seules, leur production permet de nourrir nos familles bénéficiaires. Il y a tant à raconter sur elles, et les quelques photos que j’ai pu réaliser parlent souvent d’elles-mêmes. 

Je me rappelle qu’après cette première visite, Sakoth, le manager du programme d’agroécologie, m’a ramenée en ville sur sa moto et n’ayant aucune idée du chemin par lequel nous rentrions, je me suis laissée guider. Quelle surprise quand je me suis rendue compte que nous étions sur la route des temples et que j’ai vu se dresser devant moi ces magnifiques pierres, et l’impressionnant temple d’Angkor Wat, si majestueux lorsque nous l’apercevons pour la première fois !

J’ai été scotchée par ce spectacle qui m’a fait réaliser la chance que j’ai d’être ici, en pleine pandémie.

Aujourd’hui, 4 mois après, j’ai eu le temps de trouver mon rythme et je connais Siem Reap (presque) comme ma poche. La situation sanitaire s’est nettement améliorée depuis septembre et nous n’avons plus aucune restriction, ce qui permet d’apprécier la ville différemment. Les routes sont bientôt terminées, on aperçoit quelques touristes revenir et cela nous laisse penser que l’on s’en va vers du mieux – même si la situation en Europe en alarme plus d’un.

Les écoles sont rouvertes depuis fin novembre, pour le plus grand bonheur de l’équipe, mais aussi des élèves. Voir l’école primaire se remplir de toutes ces petites têtes dès le matin rend le travail encore plus enrichissant qu’il ne l’est déjà.

Ma mission a pris toute sa dimension en étant ici. Je sais pourquoi et pour qui je m’investis, je vois les résultats de nos actions et j’observe les progrès que nous faisons. J’ai échangé avec l’équipe, j’ai écouté leurs parcours de vie et leurs réflexions et je prends conscience du rôle que nous avons, en tant que volontaires sur le terrain. 

Je me questionne sur ce que nous avons et devons leur apporter, comment être un soutien, à leurs côtés, tout en les laissant guider les projets car eux, plus que quiconque, connaissent les enjeux de leur pays. Les conséquences de leur histoire et les situations dans lesquelles sont les populations les plus vulnérables. Je crois qu’il est important lorsque l’on se rend sur un terrain, d’être conscient de ces différents enjeux et de savoir mettre un pied en arrière lorsque la réflexion est trop éloignée de notre réalité, et de ce que nous pensons connaître du pays dans lequel nous partons. 

Je crois qu’il faut être conscient que, si pour la plupart nous ne sommes que de passage, pour ceux qui vivent ici et travaillent à l’Ecole du Bayon, cet engagement est celui de toute une vie.

Je vois mon rôle comme celui d’une petite main dans l’ombre, permettant de mettre en lumière celui de l’équipe ici. J’aime partager mes connaissances et leur donner les outils pour qu’ils puissent le faire eux-mêmes, échanger avec eux et me questionner sur la manière dont nous articulons notre travail pour être certain(e)s qu’il porte ses fruits. 

J’aime l’idée que nous sommes là pour semer ce que nous connaissons et orienter le travail vers des décisions justes et durables. Durable socialement, écologiquement et économiquement. Ne pas reproduire les mêmes schémas que ceux que nous connaissons tous, offrir à ces enfants un avenir meilleur et leur apporter les clés pour comprendre le monde et dessiner le leur

J’espère développer ces idées auprès de l’Ecole du Bayon le temps que je serais ici, à leurs côtés. J’espère vous montrer quelle est l’histoire derrière tout ce travail, quelles sont les questions, les réponses que nous trouvons. J’espère retranscrire dans mes écrits et les contenus que je vous partage, cette dynamique que nous souhaitons instaurer. Me questionner et vous questionner à votre tour sur les difficultés rencontrées ici, qui, bien qu’elles soient physiquement éloignées de vous, sont bien souvent l’écho de ce que nous connaissons chez nous. 

J’espère vous témoigner la volonté et l’engagement de nos membres, celle d’une équipe locale qui ne perd jamais de vue son objectif : offrir aux jeunes de la région d’Angkor une éducation de qualité pour leur assurer un meilleur avenir.

Pédaler pour l’égalité : 5000km à travers l’Europe

Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Hello ! Je m’appelle Diane Robert, j’ai 21 ans et je viens de terminer un Bachelor en Sciences Politiques à l’Université de McGill, à Montréal. 

D’où t’es venu ce projet de traverser l’Europe en vélo ? Quel est ton itinéraire ? 

Depuis que j’ai commencé mes études à McGill, j’avais prévu de faire une année de césure après mon Bachelor pour découvrir de nouveaux pays et de nouveaux projets. Je n’avais pas de plan précis car je voulais m’offrir la possibilité de dépasser mes limites et m’adapter aux circonstances. Avec le Covid, l’idée de partir toujours plus loin à été substituée par l’envie de prendre le temps de découvrir plus en profondeur des endroits plus proches. Ceci, combiné à la soif de liberté et de rencontres, m’a donné l’idée de découvrir l’Europe méditerranéenne à vélo. 

Pourquoi avoir décidé de s’engager dans un projet associatif ?

Je voulais que mon projet ne soit pas qu’un enjeu personnel, mais qu’il ait aussi une influence positive autour de moi et qu’il soit utile à d’autres. Étant particulièrement investie sur les questions d’égalité femmes-hommes, je voulais porter un projet ayant un impact concret dans ce domaine et apporter mon soutien à une ONG soucieuse de cet équilibre. Par la sensibilisation, l’éducation et la récolte de fonds, j’avais envie  de participer à l’amélioration de la situation économique et sociale de certaines femmes tout en ouvrant le débat sur ces enjeux à ceux qui m’entourent au quotidien. 

Pourquoi as-tu choisi l’Ecole du Bayon ? 

Je voulais avant tout que les fonds récoltés aillent à une association dont je connaissais le nom et l’efficacité. J’appréciais particulièrement le travail de l’École du Bayon et l’accent qu’elle met sur l’éducation, moyen le plus efficace pour moi d’avoir un impact à court, moyen et long terme sur les individus et la société toute entière. Au sein de l’École, un projet a particulièrement résonné avec mes valeurs et engagements. Votre  École de Pâtisserie et Boulangerie permet à des jeunes femmes cambodgiennes issues de milieux défavorisés et vivant dans la région des temples d’Angkor d’avoir accès à une éducation de qualité et de favoriser leur insertion professionnelle à la fin de la formation. De plus, j’avais eu la chance de visiter vos locaux lors d’un séjour au Cambodge et j’avais été touchée par votre volonté de rester toujours proches des enfants, jeunes, et familles que vous supportez au quotidien.

A quoi vont servir les fonds récoltés ?

L’objectif est de récolter 2500 euros, une somme qui correspond à la formation complête d’une jeune femme au sein de l’École de Pâtisserie et de Boulangerie du Bayon. Ce montant comprend à la fois le logement et la nourriture de l’élève, ainsi que tous les cours et dépenses liées aux stages, les fournitures scolaires et uniformes, un vélo pour assurer ses déplacements, et enfin, les allocations mensuelles.

 

Pourquoi t’engager sur la question de l’inégalité des genres ? Que penses-tu pouvoir apporter ? 

D’abord, c’est l’un des thèmes qui touche la plus grande proportion de la population. De plus, c’est un thème qui est souvent mal compris ou mal interprété, ce qui entraîne des débats souvent mal documentés et donc contre-productifs. Pour moi, l’égalité est la justice la plus élémentaire. Les cours que j’ai pris à ce sujet m’ont permis de former une pensée claire et critique et de croire qu’un changement est possible, par l’action mais aussi par la réflexion. Je crois que s’il est nécessaire d’améliorer les situations des personnes les plus vulnérables à ce sujet, il est tout autant crucial d’élever un débat constructif au niveau sociétal afin de faire évoluer certaines mentalités. J’espère qu’en partageant des ressources de qualité et qu’en prenant le temps d’écouter diverses opinions, je pourrais améliorer mes connaissances sur le sujet, promouvoir cette remise en question dans l’esprit de nouvelles personnes, et présenter ou soutenir des propositions concrètes allant dans ce sens. C’est pourquoi je souhaite demander à un maximum de personnes rencontrées sur ma route : selon vous, sur quoi faudrait-il travailler en priorité pour réduire les inégalités femmes-hommes ?

L’égalité est la justice la plus élémentaire.

Selon toi, sur quoi faudrait-il travailler pour réduire les inégalités hommes-femmes ?

L’éducation. Je pense qu’il faut avant tout observer la société en prenant en compte les différences de genre afin de dé-normaliser et dé-banaliser certains phénomènes. Par exemple, il n’est pas normal qu’une femme ne se sente pas en sécurité dans les lieux publics simplement parce qu’elle est femme; et le harcèlement de rue ne devrait pas être perçu comme normal et inévitable lorsqu’une femme sort. De même, il n’est pas normal qu’une femme n’ai pas les mêmes chances d’accès qu’un homme  à une éducation de qualité,  à un emploi stable et à la sécurité. Pourtant, ces inégalités existent. Je considère que le premier pas est celui de la reconnaissance des inégalités, l’étude de leurs sources et de leurs conséquences, pour espérer trouver des solutions permettant de les réduire, voir, de les effacer. C’est ce que j’essaie de faire en communiquant personnellement sur le sujet et en témoignant mon engagement auprès de projets comme ceux de l’École du Bayon. 

Qu’aimerais-tu découvrir ou apprendre pendant ce voyage ? 

Pendant ce voyage, j’aimerai découvrir les multiples cultures européennes, diverses et variées, mais pourtant si proches de chez moi, en prenant le temps de traverser les pays et de dormir chez leurs habitants. J’aimerais apprendre d’eux, de leurs réflexions sur leur société et sur ces questions que je me pose. J’aimerais aussi grandir, apprendre sur moi, de mes erreurs et mes succès, me confronter aux difficultés et observer comment j’y fais face.

Pourrons-nous te suivre lors de ton périple ? 

Oui bien sûr ! Je partagerai mes aventures sur ma page Instagram (dianerobert8) et vous préparerai quelques autres petites surprises. J’ai hâte de vous montrer mes découvertes et j’espère pouvoir ainsi vous faire découvrir un peu plus l’Europe Méditerranéenne, l’École du Bayon et la vie en solo à vélo! 

À très très vite !

Pour soutenir Diane dans son aventure, c’est par ici : https://www.helloasso.com/associations/l-ecole-du-bayon/collectes/pedaler-pour-l-egalite 

REGARD SUR … – « Il est l’heure de partir » par Pénélope

Quand j’ai su il y a maintenant 3 mois que je viendrais au Cambodge dans le cadre d’un Volontariat de Solidarité Internationale avec l’École du Bayon, l’excitation et l’appréhension se sont quelques peu mélangées. Bien que je n’en sois pas à ma première expatriation, celle-ci avait d’ores et déjà une saveur particulière.

Premièrement parce que j’avais eu l’occasion de découvrir un petit bout du continent asiatique il y a quelques années et que les souvenirs que j’ai depuis tout ce temps ne se sont jamais effacés, bien au contraire. Je n’ai jamais cessé de répéter à qui voulait bien m’entendre qu’un jour, je reviendrai.

Deuxièmement, et là est toute la valeur de ce départ, parce que j’y vais dans un contexte singulier, pour une ONG, dans un domaine qui me porte depuis que j’ai commencé à imaginer à quoi ressemblerait mon projet professionnel, et qui correspond à ce pourquoi je voulais m’engager. Depuis toujours, j’essaie de comprendre comment notre monde fonctionne, quel est son équilibre, comment nos sociétés s’articulent entre elles, et surtout quelles sont nos différences. Culturelles, identitaires, sociales, je me suis toujours questionnée sur l’importance de ces différences et sur ce qu’elles ont à nous apprendre des autres. Je crois sincèrement qu’il est important d’apprendre à regarder autour de soi pour espérer trouver les ressources nécessaires à un monde plus égalitaire, à un équilibre propice aux changements et aux progrès. Je crois aussi que c’est en se tournant vers les autres que l’on peut se tourner vers ce que nous sommes et ce que nous voulons être. 

En partant m’engager auprès de l’École du Bayon, c’est un mélange de toutes ces questions que j’emporte avec moi, et qui guident mon travail au quotidien.

Je me penche notamment sur le rôle que la communication a dans la transmission de notions d’équité, de justice sociale et de droits civiques. Je m’interroge sur les multiples outils que nous avons pour mettre en lumière ce qu’il se passe ailleurs et pour faire rayonner des initiatives sociales et humanitaires parfois trop peu partagées.

Ayant commencé à travailler depuis la France, j’ai eu le temps d’imaginer à quoi ressemblerait mon travail et ma vie ici. Ma tête est déjà remplie d’images inventées par mon esprit, que j’ai hâte de remplacer par de vrais souvenirs. Imaginer à distance ce à quoi ressemble le terrain sur lequel nous partons et travaillons est une expérience plutôt singulière, si bien que mes appréhensions du début ont finalement laissé place à l’excitation grandissante de partir, enfin. 

D’enfin découvrir à quoi ressemble l’école, de rencontrer l’équipe autrement qu’à travers un écran d’ordinateur, de pouvoir rendre visite aux familles et aux enfants, d’arrêter d’imaginer leurs sourires mais de pouvoir leur en faire également, d’admirer le travail de ces femmes qui cultivent la terre, de goûter les pâtisseries de nos cheffes en herbe, de pouvoir enfin faire partie de ce que toute l’équipe aime appeler cette grande famille de l’école du Bayon.

Jour J, le 12 août. Après un départ chaotique et une course dans l’aéroport pour ne pas rater mon avion ; en cause, un test PCR refusé à l’enregistrement qui m’a valu quelques sueurs froides et pas mal de stress, je suis enfin dans l’avion, épuisée des derniers jours et des aurevoirs à mes proches mais heureuse de finalement décoller vers le Cambodge. 

Après 15h de vol, une courte escale à Singapour et 3 tests PCR pour me souhaiter la bienvenue, direction l’hôtel pour la quarantaine. Je retrouve à travers la vitre du bus la chaleur écrasante et humide, l’effervescence des scooters et des tuk tuks dans tous les sens, les stands ambulants de fruits et légumes, le bruit des klaxons et des moteurs, et j’ai du mal à réaliser que je suis finalement arrivée.

Jour 10. Lorsque j’écris ces lignes, nous sommes le 23 août et je suis en quarantaine depuis maintenant 10 jours. Plus que 4 ! Depuis que je suis ici, mon travail prend plus de sens et les choses deviennent plus réelles. Je prends davantage conscience de mon rôle et de celui de chacun pour assister nos familles. Mon engagement et ma motivation prennent de plus en plus de place et je trépigne d’impatience à l’idée de pouvoir échanger et mettre en forme toutes mes idées avec l’équipe sur place.

Vue de ma chambre de quarantaine, depuis le 11ème étage.

Je ne sais pas vraiment à quoi m’attendre ni ce que cette année va m’apporter. Je me laisse doucement porter et guider par l’énergie que je ressens déjà ici. J’espère pouvoir donner à mon travail et à mon engagement une dimension encore plus large que celle que je m’efforce d’avoir au quotidien. D’abord pour eux, les enfants pour lesquels l’Ecole du Bayon oeuvre au quotidien, en leur apportant mon soutien et en les accompagnant du mieux possible vers cet apprentissage précieux qu’est celui de l’école, et puis ensuite un peu pour moi, en espérant grandir encore, car je sais déjà que de toutes mes expériences à l’étranger, celle ci sera sûrement la plus riche en émotions.

Quand vous lirez ce texte, je serai déjà à Siem Reap depuis quelques semaines, et je prendrai le temps de vous témoigner mon ressenti pour vous dire si les images dans ma tête et celles que je partage avec vous pour la communication du Bayon sont les mêmes que celles qui existent pour de vrai.

Lancement réussi pour l’école d’agroécologie

Lancement réussi pour l’école d’agroécologie

Le directeur de l’école d’agroécologie Sakoth Brang, nous parle de la nouvelle formation professionnelle en agroécologie qui vient d’être inaugurée au Bayon.

L’école d’agroécologie est un projet coopératif lancé en partenariat avec Pour Un Sourire d’Enfant (PSE) et Vivre de sa terre. L’école a ouvert ses portes le 18 janvier de cette année et accueille sa toute première promotion composée de 10 étudiants. Dans le respect de la tradition khmère, l’inauguration s’est accompagnée d’une cérémonie de bénédiction durant laquelle trois moines ont été invités pour bénir les étudiants, le personnel et les locaux. Dans la culture khmère, la cérémonie de bénédiction revêt une forte importance, elle apporte chance et prospérité à ceux qui la reçoivent.

Pour en revenir à l’école, notre programme de formation professionnelle vise à donner à des jeunes, en situation de décrochage scolaire et issus de familles défavorisées, des compétences techniques en agroécologie sur une période de 12 mois. Parce que nous souhaitions que notre formation soit adaptée au contexte et permette aux étudiants de pouvoir s’insérer sur le marché du travail en agronomie, le programme que nous proposons répond aux critères de certification cambodgiens dans le domaine.

Afin de s’assurer qu’ils développent des compétences et acquièrent les outils pratiques qui leur seront nécessaires pour leur futur métier, des sorties expérimentales sur le terrain sont régulièrement organisées. Les étudiants sont ainsi amenés à rencontrer les farmers que nous accompagnons dans le cadre de notre programme green farming, ou à bénéficier de leçons techniques dispensées par des professionnels sur des domaines précis. 

En plus des cours enseigné à l’école, ils auront l’occasion d’effectuer 2 stages dans des fermes, des entreprises agricoles, ou encore des coopératives. L’objectif est très clairement pour eux d’obtenir une première expérience professionnelle et de mettre à l’épreuve les compétences qu’ils ont acquis au cours de la formation.

Au-delà, le stage est l’occasion pour eux de se familiariser avec une entreprise qui les accueillera probablement à la sortie de leur formation. En effet, une étude menée sur notre école de pâtisserie a montré que près de 74% des étudiantes étaient embauchées à l’issue de leur apprentissage dans un des établissements où elles ont effectué leur stage. Nous espérons les mêmes taux de succès pour les étudiants de l’école d’agroécologie.

Quoi qu’il en soit, et parce que notre prise en charge ne s’arrête pas à l’obtention de leur diplôme, nous les accompagnerons jusqu’à la porte de leur premier employeur. 

À l’issue de la formation, les étudiants seront donc en mesure d’utiliser les compétences techniques pour mettre en pratique les techniques d’agroécologie et de porter les valeurs du développement durable dans leur futur métier. Cela implique aussi bien de savoir gérer de petites exploitations productives, que vendre leurs produits biologiques sur le marché local, que de savoir établir des liens avec d’autres agriculteurs et organisations,  ou encore de connaître les systèmes agricoles et alimentaires. En ce sens, l’objet premier de la formation n’est pas l’étude de l’agroécologie en tant que discipline, mais le métier de l’agroécologue. La principale compétence visée n’est pas de comprendre ou d’analyser l’agroécosystème, mais bien de se développer et d’agir en tant que praticien de l’agro écologie qui sait mobiliser les principes et les processus écologiques des écosystèmes pour produire de manière durable.

Au nom de l’école d’agroécologie, je tiens à remercier les généreux donateurs qui soutiennent ce projet ainsi que nos deux partenaires PSE & Chivit Neing Dei pour leur expertise pédagogique et leur participation.